Erdogan menace l’Europe de « millions » de migrants, réclame une trêve en Syrie

La Turquie a agité lundi la menace de l’arrivée de « millions » de migrants en Europe après l’ouverture de ses frontières, cette dernière dénonçant un « chantage inacceptable » au moment où Ankara cherche un appui en Syrie.

Depuis que la Turquie a ouvert vendredi ses frontières avec l’Europe, plusieurs milliers de personnes se sont ruées vers la Grèce, une situation préoccupante pour l’Europe qui redoute une nouvelle crise migratoire majeure semblable à celle de 2015.

La chancelière allemande Angela Merkel a jugé « inacceptable » que la Turquie fasse pression sur l’Union européenne « sur le dos des réfugiés ». Et « personne ne peut faire chanter l’UE », a prévenu le commissaire européen aux Migrations Margaritis Schinas.

La Turquie a ouvert ses frontières pour obtenir davantage de soutien en Syrie où elle a annoncé dimanche le lancement d’une offensive contre le régime.

Alors que des nuées de drones turcs pilonnent depuis plusieurs jours la région d’Idleb (nord-ouest), le président Recep Tayyip Erdogan a dit qu’il espérait arracher une trêve lors de discussions à Moscou jeudi avec le président russe Vladimir Poutine, soutien de Damas.

A la frontière entre la Turquie et la Grèce, des milliers de migrants continuaient d’affluer dans l’espoir de traverser, en dépit des mesures draconiennes prises par Athènes, dont les forces tirent des grenades lacrymogènes et utilisent des canons à eau.

« Depuis que nous avons ouvert nos frontières, le nombre de ceux qui se sont dirigés vers l’Europe a atteint les centaines de milliers. Bientôt, ce nombre s’exprimera en millions », a affirmé lundi M. Erdogan.

Ces chiffres sont largement surévalués par rapport à la réalité observée sur le terrain par l’AFP. Samedi soir, l’ONU avait compté 13.000 personnes à la frontière gréco-turque.

Au poste de Pazarkule (Kastanies, côté grec) plusieurs centaines de migrants étaient bloqués dans le no man’s land entre les deux frontières, certains agitant des drapeaux blancs.

– « Part du fardeau » –

Selon les autorités grecques, 1.300 demandeurs d’asile ont réussi à gagner les îles égéennes entre dimanche matin et lundi matin. Un petit garçon est mort lundi au large de Lesbos lors du naufrage d’une embarcation chargée d’une cinquantaine de migrants.

Un haut responsable turc a accusé les forces grecques d’avoir tué un migrant qui tentait de traverser la frontière, ce qu’Athènes a démenti.

Ankara a par ailleurs publié une vidéo, que l’AFP n’a pu authentifier, montrant des garde-côtes grecs essayant de crever à l’aide d’une perche un canot pneumatique chargé de migrants et tirant des coups de semonce près de l’embarcation.

Se faisant menaçant, M. Erdogan a affirmé qu’il maintiendrait les « portes de l’Europe ouvertes ». « Maintenant, vous allez prendre votre part du fardeau+ », a-t-il dit.

Face à cette situation et pour montrer leur solidarité, les dirigeants des institutions européennes vont se rendre mardi dans la zone frontalière côté grec.

Mme Merkel, qui avait piloté les négociations ayant abouti en mars 2016 à un accord migratoire controversé aux termes duquel Ankara s’engageait notamment à lutter contre les traversées illégales vers la Grèce en échange d’une aide financière, devait s’entretenir lundi soir avec M. Erdogan au téléphone.

La Turquie accueille sur son sol plus de quatre millions de réfugiés et migrants, en majorité des Syriens.

Ankara a justifié l’ouverture des frontières par son incapacité à faire face à une nouvelle vague migratoire, alors que près d’un million de personnes déplacées par une offensive du régime syrien à Idleb sont massées à la frontière turque.

Une délégation de l’ONU s’est rendue lundi dans le nord-ouest de la Syrie où elle a constaté les « graves conséquences humanitaires » des violences en cours à Idleb, soulignant le « besoin urgent » d’aide.

– Rencontre Erdogan-Poutine –

Après des semaines d’escalade à Idleb, la Turquie a annoncé dimanche qu’elle avait lancé une offensive d’envergure baptisée « Bouclier du Printemps » contre le régime de Bachar al-Assad, soutenu par Moscou.

Les forces turques ont abattu dimanche deux avions syriens et tué plusieurs dizaines de soldats. « Ce n’est que le début », a prévenu lundi M. Erdogan.

De son côté, le régime syrien a affirmé sa détermination à repousser l’offensive menée par Ankara, qui sera au cœur de la rencontre entre MM. Erdogan et Poutine jeudi à Moscou.

« J’espère qu’il (M. Poutine) prendra les mesures nécessaires comme un cessez-le-feu et que nous trouverons une solution », a affirmé M. Erdogan.

Alors que la rencontre s’annonce tendue, le Kremlin a souligné lundi la « grande importance » de la coopération entre Ankara et Moscou en Syrie, où le conflit a fait plus de 380.000 morts depuis 2011.

La Turquie appuie certains groupes rebelles et la Russie soutient le régime d’Assad. En dépit de leurs intérêts divergents, les deux pays ont renforcé leur partenariat ces dernières années.

Mais cette relation s’est dégradée depuis que plus de 30 militaires turcs ont été tués la semaine dernière dans des frappes aériennes attribuées par Ankara au régime, qui se dit déterminé à reprendre la région d’Idleb, dernier bastion rebelle et jihadiste en Syrie.

Au sol, les combats faisaient rage autour de la ville stratégique de Saraqeb, qui a plusieurs fois changé de mains ces dernières semaines. Selon l’agence de presse officielle syrienne SANA, les troupes du régime sont entrées lundi dans cette ville.

Le représentant spécial des Etats-Unis pour la Syrie et l’ambassadrice américaine à l’ONU, Kelly Craft sont arrivés lundi à Ankara pour des entretiens sur la Syrie.

Plus de 3.000 décès liés au coronavirus, la propagation s’accélère hors de Chine

L’épidémie de nouveau coronavirus, dont le bilan a dépassé lundi les 3.000 morts, se propage désormais à un rythme beaucoup plus rapide à travers le monde qu’en Chine où elle est née, et pèse lourdement sur l’économie mondiale.

La France, nouveau foyer aigu de la contamination en Europe avec 130 cas depuis fin janvier, a enregistré son troisième décès depuis le début de l’épidémie, une personne résidant dans la même ville du nord de la France (Crépy-en-Valois) qu’une précédente victime.

L’Union européenne a relevé son évaluation du risque à « modéré à élevé », avec un dernier bilan de 2.100 cas confirmés dans 18 pays membres.

Les ministres de la Santé de l’UE ont été convoqués pour une réunion extraordinaire vendredi à Bruxelles.

Le nombre de cas dans le monde s’élevait à 90.160, dont 3.079 décès, dans 73 pays et territoires, dont 80.026 cas pour la seule Chine, selon un bilan établi par l’AFP à partir de sources officielles lundi à 17h00 GMT.

Dans le pays, où le virus est apparu fin 2019, les autorités ont annoncé lundi 42 nouveaux décès pour un total de 2.912 morts. Les 202 nouveaux cas signalés lundi en Chine continentale constituent toutefois la plus faible augmentation quotidienne depuis fin janvier.

Si l’épidémie Covid-19 semble faiblir en Chine, où des mesures de quarantaine draconiennes visent plus de 50 millions de personnes, elle continue de s’aggraver dans plusieurs pays. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a indiqué lundi qu’il y avait eu en 24 heures près de neuf fois plus de nouveaux cas signalés ailleurs dans le monde qu’en Chine.

En Italie, pays le plus touché en Europe, la barre des 50 morts a été franchie, après une spectaculaire accélération des contagions avec plus de 500 nouveaux cas dimanche sur un total de 2.036.

Un second cas a été signalé lundi en Egypte, pays qui avait annoncé mi-février le premier cas sur le continent africain.

Derniers Etats à recenser leurs premiers cas de coronavirus lundi : le Sénégal avec un Français de retour de l’Hexagone, l’Arabie saoudite, avec une personne testée positive après un voyage en Iran et la Tunisie, avec un homme de retour d’Italie.

– Réponse concertée –

Un deuxième décès a également été annoncé aux Etats-Unis où 21 cas ont été recensés, auxquels s’ajoutent 47 malades rapatriés de l’étranger. Plusieurs patients diagnostiqués ces derniers jours n’avaient aucun lien connu avec un foyer de l’épidémie, ce qui laisse à penser que la maladie commence à se propager sur le sol américain, encore très épargné.

Quant à la Corée du Sud, deuxième pays le plus touché après la Chine, elle a recensé lundi près de 600 cas supplémentaires et huit nouveaux décès, pour un total de plus de 4.300 contaminations, dont 26 mortels.

Le leader du mouvement religieux lié à la moitié des cas de coronavirus en Corée du Sud a présenté ses excuses pour la responsabilité de son organisation dans la propagation de l’épidémie.

La Thaïlande, qui a enregistré 43 cas de contamination, a fait état lundi de son premier décès, un Thaïlandais de 35 ans qui souffrait également de la dengue.

L’Iran, l’un des pays les plus touchés, a rejeté lundi une proposition d’aide des Etats-Unis, conditionnée à la demande express de Téhéran. Paris, Berlin et Londres, par ailleurs co-signataires de l’accord sur le nucléaire iranien, ont annoncé qu’ils allaient fournir au pays un soutien matériel et financier.

– Risque de récession –

L’épidémie fait par ailleurs redouter une crise économique d’ampleur planétaire.

A ce titre, les ministres de l’Economie et les banquiers centraux des pays membres du G7 doivent avoir un entretien téléphonique mardi pour coordonner leur action face à l’épidémie de nouveau coronavirus qui se répand dans le monde et menace l’économie mondiale, a indiqué lundi le Trésor américain à l’AFP.

L’OCDE a ramené lundi sa prévision de croissance planétaire de 2,9% à 2,4% et mis en garde contre un scénario encore plus noir si l’épidémie devait s’aggraver.

Les marchés ont subi la semaine dernière leur plus forte dégringolade depuis la crise financière de 2008. La Bourse de Tokyo s’est reprise lundi (+0,95%), ainsi que les places chinoises. Toutefois, Milan perdait encore 2,5% lundi après-midi. Les bourses européennes étaient partagées sur la direction à prendre, et Wall Street a ouvert en hausse.

Le commissaire européen à l’Economie Paolo Gentiloni a appelé les pays de l’UE à agir pour soutenir l’économie, évoquant une « réponse budgétaire coordonnée des pays européens ».

Le Louvre, musée le plus visité au monde, est resté fermé lundi pour une deuxième journée consécutive, le personnel invoquant son droit à cesser le travail en cas de danger.

– Grand Prix annulé –

L’épidémie bouleverse aussi le calendrier sportif. Le Grand Prix moto du Qatar, prévu le 8 mars en ouverture du championnat du monde, a été annulé, et celui de Thaïlande, prévu le 22 mars, reporté.

En Italie, plusieurs matches du championnat de football (Serie A) ont été reportés et le Championnat suisse de football a été suspendu jusqu’au 23 mars, une mesure inédite en Europe.

En revanche, le comité organisateur a indiqué que les matches du Tournoi des Six-nations, outre Irlande-Italie déjà reporté, étaient maintenus « pour l’instant.

Le taux de mortalité semble être de 2 à 5%, selon l’OMS, qui a appelé dimanche les pays à travers le monde à s’approvisionner en dispositifs médicaux d’assistance respiratoire, indispensables pour traiter les patients atteints de la forme sévère de la maladie.

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Slovaquie: Igor Matovic, leader bouillonnant de l’opposition

Lancé à fond dans la dénonciation de la corruption des élites en Slovaquie, l’auto-proclamé « homme du peuple » Igor Matovic, 46 ans, est un homme politique versatile et bouillonnant, qui bouscule l’ordre établi.

« Nous chercherons à former le meilleur gouvernement que la Slovaquie ait jamais eu, avec l’aide des autres leaders de l’opposition démocratique », a-t-il dit aux journalistes à l’annonce des résultats du sondage sortie des urnes, selon lesquels un électeur sur quatre avait voté pour son parti OLaNO (Gens ordinaires et personnalités indépendantes).

Ses partisans voient en lui un non-conformiste doué pour l’autopromotion, tandis que pour ses adversaires l’homme politique est imprévisible, adorant les feux de la rampe et voulant tout contrôler.

Après des études de gestion de finances, Matovic, marié et père de deux filles, avait fondé une maison d’édition qui a bien grandi et contrôle aujourd’hui des dizaines de journaux régionaux.

Il avait aussi possédé un patrimoine immobilier important dans sa ville natale de Trnava, dans l’ouest de la Slovaquie.

Quand il est entré en politique il y a une dizaine d’années, il a transféré tous ses biens et affaires, estimés à plusieurs millions d’euros, à sa femme Pavlina.

Il a fondé alors son mouvement baptisé Gens ordinaires et personnalités indépendantes pour combattre la corruption dans la fonction publique. Mais, après avoir obtenu plusieurs sièges au Parlement, il a vu plusieurs députés quitter sa formation pour cause de conflits internes.

« Il dirige l’OLaNO comme un dictateur », a affirmé lors d’un débat télévisé Michal Truban, chef du parti libéral Slovaquie progressiste et partenaire de coalition potentiel.

Mais, comme pour démentir cette observation, Matovic a mis à la tête de la liste OLaNO un enseignant peu connu, et a réservé la dernière place pour lui-même.

OLaNO a attiré plusieurs candidats hauts en couleurs et populaires, dont un joueur de tennis professionnel et un comédien.

– Singeries politiques –

Les critiques de Matovic ont souvent accusé l’ancien patron de presse d’aimer trop les caméras et de transformer les débats parlementaires télévisés en one-man show.

Certes, il a souvent pratiqué les effets spéciaux en politique. En 2013, il a apporté au Parlement une silhouette en carton du Premier ministre Robert Fico, accusant le chef du parti au pouvoir Smer-SD (gauche) d’être trop proche d’oligarques locaux. « Il a offert la Slovaquie aux riches », pouvait-on lire sur la figure en carton.

Fico a dû démissionner en 2018 après l’assassinat du journaliste Jan Kuciak, tué par balles alors qu’il enquêtait sur la corruption dans les hautes sphères.

Il est aussi arrivé à Matovic d’arborer au Parlement une chemisette avec l’inscription « Fico défend les voleurs ».

Il a eu recours à une tactique semblable en se montrant en direct sur Facebook en train de placer à Cannes (France), sur la clôture d’une villa, des panneaux la déclarant « propriété de la République slovaque » et accusant le propriétaire, un ex-ministre Smer-SD, de frauder les contribuables.

« Je veux faire de la politique comme je le sens, et pas de manière correcte », a-t-il dit au quotidien Dennik N, tout en admettant craindre que ses gestes ne le fassent passer « pour un clown ».

– « Imprévisible » –

Ses amis et des analystes le considèrent comme un homme politique doué, mais difficile.

Le décrivant à l’AFP sous le couvert d’anonymat, un ancien collaborateur de Matovic le qualifie de « phénomène ». « C’est un communicant extrêmement habile. Il est effréné et sincère – parfois trop sincère », dit-il.

« Sa force, c’est son instinct politique et son don pour le marketing politique », pense l’analyste Juraj Marusiak. Cependant, « son caractère imprévisible fait de lui un partenaire problématique ».

« Il est bon pour présenter des problèmes complexes d’une manière très simple », a dit à l’AFP l’analyste de Bratislava Pavol Babos « Mais il est toujours difficile de prévoir s’il tiendra les promesses qu’il fait ».

A l’approche des législatives, Matovic a lancé sur internet un sondage, encourageant les gens à choisir la politique du futur gouvernement en établissant un ordre de priorités parmi les sujets proposés.

Fariba Adelkhah et Roland Marchal, deux chercheurs de terrain internationalement reconnus

Fariba Adelkhah et Roland Marchal, les universitaires français détenus en Iran, dont le procès s’ouvrira mardi, sont tous deux des chercheurs de terrain « de haute volée », selon plusieurs de leurs collègues, qui mettent en avant la même intransigeance critique.

+ Fariba Adelkhah

Il faut « sauver les chercheurs, sauver la recherche, pour sauver l’histoire »: ces mots, Fariba Adelkhah les a écrits de sa prison d’Evine, à Téhéran. Arrêtée début juin par les Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique du régime, avec son compagnon Roland Marchal, la chercheuse franco-iranienne est poursuivie pour « propagande contre le système » politique de la République islamique d’Iran et « collusion en vue d’attenter à la sûreté nationale ».

Dimanche dernier, elle a été admise à l’hôpital de la prison d’Evine suite à une grave détérioration de son état de santé, selon son avocat, qui y voit le résultat de la grève de la faim qu’elle a menée de fin décembre à mi-février.

Cette spécialiste de l’anthropologie sociale et de l’anthropologie politique de l’Iran post-révolutionnaire a rejoint le Ceri (le Centre de recherches internationales, une unité mixte de recherche commune à Sciences Po et au CNRS) en 1993.

« Toute sa démarche part du terrain », explique Béatrice Hibou, également chercheuse au Ceri. « Extrêmement reconnue dans le milieu universitaire », elle est l’une des rares à porter un regard « critique » et non pas « politique » sur la société iranienne, souligne cette proche.

Née en Iran en 1959, dans une famille de la petite classe moyenne de la province du Khorassan (région située à la frontière de l’Afghanistan), Fariba Adelkhah n’a jamais cessé de retourner dans ce pays, dont sont issus la plupart de ses travaux de recherche.

En 1977, elle arrive en France, à l’université de Strasbourg, pour y commencer des études. C’est là qu’elle rencontre Roland Marchal.

Marquée par la lecture de Simone de Beauvoir, ses travaux initiaux portent sur les femmes et la Révolution islamique.

Cette femme menue aux cheveux noirs, « courageuse » et « combative », selon plusieurs collègues, qui aime traduire des poèmes chrétiens du Moyen-Âge en persan, avait récemment étendu le champ de ses travaux à l’Afghanistan et l’Irak.

Elle s’inquiète de l’isolement auquel est soumis son compagnon, poursuivi pour « collusion en vue d’attenter à la sûreté nationale », et retenu dans l’aile des Gardiens de la révolution. Leur avocat tentait récemment de légaliser un mariage qui autoriserait un droit de visite.

+ Roland Marchal

« Bourreau de travail, constamment sur le terrain », c’est un « grand chercheur, reconnu internationalement », dit de lui Sandrine Perrot, qui travaille avec lui au Ceri.

Africaniste spécialiste de la Corne de l’Afrique, il a consacré l’essentiel de son œuvre à l’analyse des guerres civiles en Afrique subsaharienne, notamment dans leur rapport à la formation des États.

« Son pays de cœur est la Somalie, mais il connaît aussi très bien le Tchad, la République centrafricaine, le Mali et le Soudan », souligne Mme Perrot. « Ses analyses des guerres, des violences, de la sociologie des groupes armés, ont marqué des tournants dans la littérature », avance-t-elle.

Connu pour avoir des prises de position très franches, notamment sur la politique française au Tchad, qui lui ont valu la réputation d’être « un chercheur à la dent dure », ses critiques étaient « toujours étayées par le terrain », poursuit la chercheuse.

Originaire de Lorraine, ce mathématicien de formation, très engagé à gauche, « est tombé dans la marmite des sciences sociales et a rejoint le Ceri en 1997 », indique Jean-François Bayard, ancien directeur du centre de recherches.

« Chercheur de haute volée, bourru, très exigeant, pas forcément aimé de tous », il fait montre, comme sa compagne Fariba Adelkhah, d’une totale « intégrité professionnelle » et d’une « indépendance absolue », poursuit ce proche.

Décrit aussi comme « râleur », « sarcastique », « très généreux, notamment avec les jeunes chercheurs », « il s’est toujours énormément soucié des sociétés qu’il étudiait, comprenant souvent avant tout le monde ce qui se jouait sur le terrain », souligne Marielle Debos, chercheuse à l’université de Nanterre, qui a travaillé avec lui.

Cet homme trapu aux cheveux gris de 64 ans qui a, aux dires de ses proches, beaucoup maigri en prison et serait très affecté psychologiquement par la longueur de sa détention, est aussi un grand amateur de livres, notamment de polars américains.

Benny Gantz, une main de fer dans un gant de velours

Ancien chef de l’armée, le centriste Benny Gantz affiche une image de « Monsieur Propre » de la politique face à son rival aux élections en Israël, Benjamin Netanyahu inculpé pour corruption, dont il partage toutefois une vision sécuritaire musclée.

A 60 ans, celui qui se veut pragmatique face aux idéologies radicales de la droite va tenter pour la troisième fois en moins d’un an d’obtenir suffisamment de voix pour former une coalition gouvernementale.

Ce père de quatre enfants, à l’attitude décontractée et abordable, n’avait aucune expérience politique lorsqu’il s’est jeté dans l’arène il y a un an pour former un nouveau parti, Kahol Lavan, « Bleu-blanc » en français, les couleurs du drapeau israélien.

Mais en fédérant les opposants au Premier ministre, il a réussi, avec sa liste regroupant des personnalités de gauche et de droite, à terminer ex-aequo avec M. Netanyahu aux législatives d’avril et de septembre 2019.

Son but est clair: chasser Benjamin Netanyahu, au pouvoir sans discontinuer depuis dix ans et dont le procès pour corruption s’ouvre le 17 mars.

« Le monde doit savoir que nous sommes pragmatiques et voyons uniquement le bien de l’Etat sans se préoccuper d’intérêts personnels », estime celui qui dit vouloir restituer un sens de « l’honneur » à la fonction de Premier ministre.

– « Honnêteté » –

Pur « sabra », terme désignant les juifs nés en Israël, ce fils d’immigrants rescapés de la Shoah est né le 9 juin 1959 à Kfar Ahim, un village du Sud.

Le jeune Gantz rejoint l’armée en 1977. Parachutiste, il gravit les échelons et obtient le grade de général en 2001 avant de devenir chef d’état-major de 2011 à 2015.

Dans un pays où l’armée est fédératrice, cet homme de 1m95 aux yeux bleus bénéficie d’une grande aura conférée par ses faits d’armes et son rang d’ancien commandant des armées.

« Il n’a pas laissé de traces indélébiles dans l’armée, mais a conservé une image de stabilité et d’honnêteté », selon Amos Harel, journaliste spécialiste des affaires militaires au quotidien Haaretz.

S’il propose une vision plus libérale de la société que M. Netanyahu, et souhaite mettre en place un gouvernement laïc favorable au mariage civil, ce qui n’est pas d’usage en Israël, il soigne, comme le Premier ministre, son image de faucon.

Il affirme vouloir conserver le contrôle militaire israélien sur la majeure partie de la Cisjordanie occupée, annexer la vallée du Jourdain et mettre fin aux attaques à partir de Gaza sur Israël.

Lors de la dernière guerre à Gaza contrôlée par les islamistes palestiniens du Hamas (2014), c’est lui qui était aux commandes et s’est targué du nombre de « terroristes » palestiniens tués dans un clip de campagne, sans évoquer les victimes civiles.

Il a accusé le gouvernement actuel de « faire trop de concessions » et promis d’imposer « une politique de dissuasion » contre le Hamas à qui Israël a livré trois guerres depuis 2008.

– « Fréquentes bourdes » –

Cultivant son image de « dur à cuire », M. Gantz a multiplié les appels du pied en direction de l’électorat de droite, poussant M. Netanyahu à le qualifier de « pâle imitation » de sa personne.

« Soudain, tout le monde est de droite », a ironisé le Premier ministre.

Le Likoud a publié une vidéo avec des extraits d’interventions de Benny Gantz durant lesquelles il a commis des bourdes, confondant des noms ou bégayant lors de discours de campagne.

Interrogé par un journaliste à ce sujet, Benny Gantz a répondu que parfois « il pense plus vite qu’il ne parle ».

« Je ne fais pas carrière à la télévision, je ne suis pas présentateur au journal télévisé, je suis un leader avec derrière lui près de 40 ans de direction dans l’armée », a-t-il asséné.

Benny Gantz est titulaire d’une licence d’histoire de l’université de Tel-Aviv, d’un master en Sciences politiques de l’université de Haïfa et d’un master en gestion de ressources nationales de la National Defense University aux Etats-Unis.

Face au brillant orateur qu’est Benjamin Netanyahu, aura-t-il convaincu les électeurs de voter pour lui? La question reste ouverte.

Pete Buttigieg, le jeune maire de l’Indiana qui rêvait de Maison Blanche

A 38 ans, il rêvait de « faire mentir les sceptiques » et d’accéder à la Maison Blanche. Pete Buttigieg n’a pas réussi son coup. Mais il a marqué les esprits.

La voix de ce trentenaire polyglotte ouvertement homosexuel a fait souffler un vent frais sur les primaires démocrates dont les deux favoris – Bernie Sanders et Joe Biden – sont septuagénaires et ont siégé pendant des décennies au Sénat.

Doté d’un patronyme imprononçable – dont il avait fait un argument de campagne – il s’était lancé sans autre expérience que la gestion pendant huit ans de la ville de 100.000 habitants où il est né, South Bend, dans l’Indiana.

Très à l’aise durant les débats ou sur les estrades de campagne, « Mayor Pete » était mû par une indéniable confiance en lui, qualifiée d’arrogance par ses détracteurs qui ironisaient sur ce jeune homme trop impatient.

Sa victoire initiale dans l’Iowa lui avait laissé entrevoir l’hypothèse d’un succès final face à des candidats entrés en politique avant sa naissance. Mais son absence de soutien chez les Noirs, électorat traditionnel des démocrates, lui a coûté cher.

Sa foi en son destin ne date pas d’hier. Lycéen, Pete Buttigieg se souvient d’avoir levé la main quand un professeur demanda qui aimerait devenir président.

– Harvard, Oxford, McKinsey –

Peter Paul Montgomery Buttigieg est né le 19 janvier 1982 à South Bend, de parents professeurs d’anglais à l’université de Notre Dame. Son père, spécialiste du philosophe marxiste Antonio Gramsci, était un immigré maltais venu faire son doctorat aux Etats-Unis, où il a rencontré sa mère.

Fils unique, Pete Buttigieg excelle à l’école. Son parcours est typique des premiers de la classe: il entre à Harvard, obtient une bourse prestigieuse et part deux ans à Oxford, avant d’être recruté par le grand cabinet de conseil McKinsey, en 2007: « rien de très excitant », selon lui.

A 25 ans, la politique le ramène à South Bend. Il se présente à l’élection de trésorier de l’Indiana et est largement battu. Mais en 2011, le poste de maire s’ouvre et il se fait élire. Ce sera son tremplin.

Réserviste de la Navy depuis quelques années, le maire est envoyé sept mois en Afghanistan en 2014, comme analyste de renseignement.

Avait-il déjà des arrière-pensées politiques au moment d’entrer dans l’armée? « Si la réponse était oui, est-ce que cela rendrait mon service moins pur? » a-t-il répondu dans le podcast The Daily.

Toutes ces années, il vit avec un secret enfoui: il est homosexuel. « Si vous m’aviez donné une pilule pour devenir hétéro, je l’aurais avalée avant même le verre d’eau », a-t-il confié l’an dernier.

Son coming-out, il ne le fera qu’en 2015, avant d’être réélu maire. Par une application de rencontre (Hinge), il rencontre ensuite Chasten Glezman, qui prendra son nom de famille après leur mariage en 2018. Le couple veut des enfants.

« Mon mariage avec Chasten », dit-il, « m’a rapproché de Dieu ».

Pete Buttigieg cultive cette image d’homme du Midwest, traditionnel, croyant (baptisé catholique, il va dans une église épiscopalienne). Au point qu’il est caricaturé dans la célèbre émission Saturday Night Live comme un gentil garçon timide et ennuyeux.

Quand il se déclare officiellement candidat, en avril 2019, il concède « l’audace » de sa candidature — allusion évidente à « l’audace d’espérer » professée par Barack Obama en son temps.

« Chaque fois que mon parti est entré à la Maison Blanche ces cinquante dernières années, ce fut avec un candidat nouveau venu sur la scène nationale », dit-il aussi en évoquant Jimmy Carter, Bill Clinton et Barack Obama.

La comparaison est très avantageuse: les deux premiers étaient gouverneurs, le dernier sénateur. Mais il est vrai que le camp Obama a tôt remarqué le jeune maire aux phrases ciselées et à la voix de baryton.

Peu après la victoire de Donald Trump, le président sortant avait été interrogé par le New Yorker sur la relève démocrate. M. Obama avait cité un sénateur et une sénatrice, puis ajouté: « Et puis il y a ce gars de South Bend, dans l’Indiana, le maire », sans se souvenir de son nom.

Primaires démocrates: ce qu’il faut savoir sur le « Super Tuesday »

Après un goutte-à-goutte de scrutins, les primaires démocrates prennent une toute autre ampleur mardi avec l’avalanche de votes du « Super Tuesday », qui pourrait avoir un impact décisif sur la course pour désigner le rival du président républicain Donald Trump en novembre.

Grand favori, Bernie Sanders parviendra-t-il à prendre une avance pratiquement imparable? L’ancien vice-président Joe Biden fera-t-il assez bien pour s’installer en alternative modérée au sénateur indépendant? M. Biden devrait bénéficier du retrait surprise du trentenaire Pete Buttigieg. En perte de vitesse, les sénatrices Elizabeth Warren et Amy Klobuchar survivront-elles et quel sera l’impact de l’entrée en lice tant attendue du multi-milliardaire Michael Bloomberg?

Le suspense reste entier.

– 14 Etats aux urnes –

Depuis la pointe nord-est des Etats-Unis jusqu’au milieu du Pacifique, les primaires démocrates organisées mardi couvrent un immense territoire: 14 Etats ainsi que les îles Samoa américaines et les électeurs démocrates vivant à l’étranger.

La Californie, Etat farouchement progressiste aux 40 millions d’habitants, pèsera de façon décisive. Le Texas (30 millions d’habitants) sera l’autre poids lourd de la journée.

Puisque les Etats du « Super Tuesday » reflètent la diversité sociale et économique des Etats-Unis, cela sera l’occasion pour les candidats de démontrer qu’ils peuvent séduire partout… ou au contraire de voir exposée au grand jour leur incapacité à convaincre des électeurs assez variés pour avoir une chance de remporter la Maison Blanche.

Avec un territoire si vaste et divers modes de scrutin, notamment par courrier, les résultats pourraient mettre du temps à arriver.

– Un jackpot de délégués? –

Plus encore que le nombre d’électeurs, c’est surtout le fait que plus d’un tiers des délégués seront distribués d’un coup qui fait de cette journée un moment clé dans le calendrier électoral américain.

Car pour décrocher l’investiture démocrate, un candidat doit afficher une majorité absolue (1.991) de ces délégués, assignés proportionnellement aux scores engrangés dans chaque primaire.

Or 1.357 délégués seront attribués lors du seul « Super Tuesday ». Par comparaison, seuls 155 ont été distribués jusqu’ici.

Bernie Sanders domine les sondages dans les deux Etats les plus riches en délégués: la Californie (415 délégués) et le Texas (228).

Il faut impérativement qu’un candidat fasse plus de 15% pour recevoir des délégués.

Ce qui représente un danger potentiel pour les candidats modérés, qui se divisent les suffrages face à Bernie Sanders.

– Bloomberg entre en piste –

Après avoir déjà dépensé plus d’un demi-milliard de sa fortune personnelle pour financer ses publicités de campagne, l’ancien maire de New York va pour la première fois affronter le verdict des urnes.

Un premier débat raté et une deuxième performance peu convaincante ont fait baisser sa courbe dans les sondages mais il figure toujours en troisième place, derrière Bernie Sanders et Joe Biden.

– Vers une absence de majorité? –

Le prétendant démocrate à la Maison Blanche sera officiellement désigné lors d’une convention organisée, du 13 au 16 juillet, à Milwaukee dans l’Etat du Wisconsin.

Fait rare: avec une course aussi haletante, il est possible qu’aucun candidat n’arrive avec en poche la majorité absolue nécessaire pour gagner.

Le grand favori Bernie Sanders argue déjà que celui qui aura alors le plus de délégués devrait être désigné vainqueur. Mais il est seul, ses rivaux appelant à s’en tenir aux règles du parti démocrate.

Celles-ci énoncent que si personne n’obtient la majorité lors d’un premier tour, les délégués dit « assignés » deviennent libres de voter pour quelqu’un d’autre au deuxième tour.

Et quelque 770 « super-délégués », des notables et élus du parti, entrent alors aussi en piste avec le pouvoir de faire basculer le scrutin.

Du fait de son statut d’ancien vice-président, Joe Biden est lui-même un « super-délégué ».

Avortement aux Etats-Unis: le droit et la pratique

La Cour suprême des Etats-Unis se penche à nouveau mercredi sur le droit des femmes à avorter qu’elle a reconnu il y a près d’un demi-siècle, mais dont l’application est très variable d’un Etat à l’autre.

– Le cadre législatif

Dans son arrêt emblématique Roe v. Wade, la Cour suprême des Etats-Unis a reconnu en 1973 un droit des femmes à avorter dans l’ensemble du pays.

Elle a précisé en 1992 que les femmes pouvaient décider d’interrompre leur grossesse tant que le foetus n’était pas viable, ce qui est généralement compris autour de la 24e semaine.

Si les 50 Etats conservent le droit de légiférer en matière d’avortement pour assurer que la santé des femmes n’est pas compromise, ils n’ont pas le droit de créer un obstacle insurmontable pour les patientes, a-t-elle également jugé.

– Le patchwork géographique

La notion d’obstacle insurmontable étant sujette à interprétation, les Etats conservateurs et religieux du sud et du centre du pays ont multiplié les législations pour restreindre l’accès à l’avortement.

Ces lois ont poussé de nombreuses cliniques à mettre la clé sous la porte. Six Etats (dont le Mississippi ou le Missouri) n’ont plus qu’une structure pratiquant des IVG, alors qu’il y en a plus de 150 en Californie.

D’autres textes obligent les médecins à faire entendre les battements de coeur du foetus à leur patiente, à leur parler d’un lien (non prouvé) entre l’avortement ou le cancer du sein ou encore de la souffrance présumée du foetus.

– Les chiffres

Un peu plus de 862.000 avortements ont été réalisés en 2017 aux Etats-Unis, ce qui revient à 13,5 interruptions volontaires de grossesse (IVG) pour 1.000 femmes en âge de procréer, un taux comparable à la France ou la Grande-Bretagne et en baisse régulière depuis des décennies, selon l’institut Guttmacher.

Mais là encore, les écarts sont importants entre les côtes et le Centre ou le Sud: d’après le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), le taux d’avortement est de 6,2 pour 1.000 en Alabama (Sud) et de 23,1 pour 1.000 dans l’Etat de New York.

– Les clivages dans l’opinion

Le sujet de l’avortement est extrêmement clivant aux Etats-Unis: 58% des Américains estiment que l’avortement devrait être légal, et 37% souhaitent son interdiction, selon un sondage du Centre de recherches Pew de 2018.

Les différences d’opinion suivent en grande partie les lignes partisanes avec des démocrates largement favorables au droit des femmes à avorter, et des républicains, surtout dans les milieux évangéliques, majoritairement opposés aux IVG.

– L’offensive récente

Lors de sa campagne 2016, Donald Trump a courtisé la droite religieuse en promettant de nommer à la Cour suprême des Etats-Unis des juges opposés à l’avortement. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, il y a fait entrer deux nouveaux magistrats (sur neuf juges au total).

Leur arrivée a galvanisé les opposants à l’avortement dans les Etats de la « Bible Belt » qui ont adopté une série de lois en contradiction flagrante avec la jurisprudence de la Cour suprême, allant jusqu’à interdire d’avorter même en cas de viol (en Alabama).

Ces textes ont été logiquement bloqués en justice mais leurs promoteurs ont l’intention de multiplier les appels jusqu’à la haute Cour pour lui fournir l’occasion de revenir sur son arrêt de 1973. Cela permettrait à chaque Etat de faire ce qu’il veut et augmenterait encore les inégalités territoriales.

Sans aller jusque là, il est possible que la haute juridiction « grignote » peu à peu le droit à l’avortement en validant encore plus de lois restrictives.

Netanyahu, le maître de la survie politique

Premier ministre le plus pérenne de l’histoire moderne d’Israël, Benjamin Netanyahu est un « magicien » de la survie politique qui va devoir sortir deux lapins de son chapeau: remporter les élections de lundi puis « vaincre » la justice qui l’accuse de corruption.

Souvent surnommé « Roi Bibi » par ses partisans, il est devenu en novembre le seul chef de gouvernement en fonction de l’histoire israélienne à être inculpé par la justice. Avec à la clé un procès pour corruption, abus de pouvoir et malversation qui s’ouvre le 17 mars.

Voix rauque de ténor, cheveux argentés inamovibles, souvent vêtu d’un complet-cravate bleu sur chemise blanche, Benjamin Netanyahu, 70 ans, s’est imposé au coeur du système politique comme s’il en avait toujours fait partie.

Ce fin stratège, habitué au louvoiement, est pourtant le seul Premier ministre à être né après la création d’Israël en mai 1948.

Né à Tel-Aviv le 21 octobre 1949, il a hérité d’un bagage idéologique musclé par son père Benzion, qui était l’assistant personnel de Zeev Jabotinsky, leader de la tendance sioniste dite « révisionniste », favorable à un « Grand Israël » intégrant la Jordanie.

Aujourd’hui, Benjamin Netanyahu prône une vision d’Israël comme « Etat juif » avec des frontières s’étendant au nord-est jusqu’à la Jordanie, d’où sa promesse d’annexer la vallée du Jourdain située en Cisjordanie, territoire palestinien occupé.

– Le plus jeune –

Le jeune Netanyahu effectue son service militaire dans un commando prestigieux. Le Proche-Orient est alors dans l’après-guerre des Six Jours, qui a vu en 1967 Israël s’emparer des territoires palestiniens de Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est ainsi que du Golan syrien et du Sinaï égyptien.

Côté arabe, la défaite est amère. Hors du champ des armées classiques, de nouveaux acteurs s’imposent comme l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui regroupe des groupes armés palestiniens.

En 1976, le frère aîné de Benjamin, Yoni, commandant de l’unité chargée de libérer les otages d’un vol Tel-Aviv/Paris détourné par deux organisations palestinienne et allemande en Ouganda, est tué pendant l’assaut israélien.

Ce décès ébranle profondément Benjamin Netanyahu qui fera de la « lutte contre le terrorisme », qu’il associe souvent aux Palestiniens, l’un des fils conducteurs de sa carrière.

Orateur né, pugnace, il devient diplomate à Washington, puis ambassadeur à l’ONU dans les années 1980. De retour en Israël, il est élu député en 1988 sous la bannière du Likoud, grand parti de droite dont il devient, avec son style à l’américaine, l’étoile montante.

Pendant la guerre du Golfe de 1991, qui expose Israël à une pluie de missiles irakiens, il défend le point de vue israélien sur la chaîne américaine CNN. A l’aise devant la caméra, il connaît les codes des médias et maîtrise l’anglais, ayant fait ses études au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Il continue son ascension jusqu’à une première consécration en 1996. A 47 ans, Benjamin Netanyahu triomphe alors du doyen Shimon Peres et devient le plus jeune Premier ministre de l’histoire d’Israël.

Mais son règne est de courte durée. Trois ans. Puis après une brève retraite, il retourne à sa passion: la politique. Et reprend la tête du Likoud, puis redevient Premier ministre en 2009.

– « Guerre personnelle » –

Depuis, Israël n’a connu que « Bibi », passé maître dans l’art de former des coalitions, de coopter des petits partis et des formations ultra-orthodoxes, pour asseoir son pouvoir.

Lui se présente comme le grand défenseur de l’Etat hébreu face à l’Iran, nouvel « Amalek », ennemi mortel des Hébreux dans la Bible. Ses adversaires décrivent plutôt un autocrate prêt à tout pour rester à son poste.

Idéologue ou pragmatique? C’est la grande question. « Bien que Benjamin Netanyahu sympathise avec la politique de son père, ses actions comme Premier ministre sont avant tout motivées par des considérations pragmatiques », écrit l’universitaire Neill Lochery dans une biographie récente.

Marié et père de trois enfants, Benjamin Netanyahu est désormais dans le collimateur de la justice pour corruption, fraude et abus de confiance dans des affaires de dons reçus de milliardaires, d’échanges de bons procédés avec des patrons d’entreprises, et de tentatives de collusion avec la presse.

Pour Gideon Rahat, professeur de sciences politiques à l’Université hébraïque de Jérusalem, il oscille entre « faucon extrémiste » et « modéré ».

Mais « depuis les accusations de corruption, il est plus à droite, plus enclin au populisme et à des lois antidémocratiques (…) Il se bat pour sa survie, pour éviter les tribunaux, c’est une guerre personnelle », dit-il.

Après son inculpation, des médias israéliens avaient déclaré la « fin de l’ère Netanyahu ». Mais ils pourraient encore attendre…

Serges Kassy partisan du régime de Gbagbo sort les griffes contre Tiken Jah

Exilé en France depuis la crise post-électorale ivoirienne, l’artiste reggae-man ivoirien, Serges Kassy est très remonté contre Tiken Jah. Suivant de près l’actualité politique ivoirienne, ce dernier ne manque pas de blâmer le régime au pouvoir.

Considéré comme un partisan du pouvoir actuel, Tiken Jah s’est fait remonter ouvertement les brettelles, par le reggae-man ivoirien Serges Kassy.

Selon l’artiste ivoirien Kassy, il accuse Tiken son confrère de s’être « donné corps et âme pour une cause tribale et ethnique ». Pour lui, Tiken Jah a contribué à faire « taire la vérité, pour la promotion du mensonge sur les chaines de télé et de radios étrangères, pour l’installation d’un individu sur le sang de milliers d’ivoiriens ».

Il a reproché également au descendant de Fakoly, de n’avoir pas critiqué le déguerpissement des populations par le gouvernement ivoirien comme il avait fait sous le règne de Laurent Gbagbo.

Par ailleurs, lors de la découverte du corps de l’adolescent ivoirien, Serge Kassy a déploré le comportement silencieux de l’auteur de l’album « Françafrique »  sur la question.

« Quand on a eu ce parcours peu glorieux dans la déstabilisation et la descente aux enfers de son propre pays, la sagesse conseillerait qu’on s’efface ou qu’on tente de se racheter en faisant amende honorable », a-t-il lancé

Rappelons qu’il y a de cela 5 ans en arrière que Serge Kassy avait poster un message à l’endroit de Tiken Jah :  «Je voudrais ce matin, dire à mon ami et frère Tiken Jah Fakoly que le 19 septembre 2002, quand Alassane Dramane Ouattara et Soro Guillaume prirent les armes pour attaquer les institutions de la République de Côte d’Ivoire incarnées par le président
Laurent Gbagbo , il fit le choix de soutenir la rébellion, et moi de soutenir les institutions de la République».