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Sommet UA-UE : quand la question de réparation des crimes historiques se fait oublier

A Luanda pour le 7e Sommet des dirigeants européens et africains, la question des réparations des pires crimes commis, contre…

A Luanda pour le 7e Sommet des dirigeants européens et africains, la question des réparations des pires crimes commis, contre l’Afrique, pendant plus de 04 siècles d’esclavage et de colonisation, n’a nullement été évoquée ; alors que l’Union africaine (UA) en a fait le principal sujet de discussion, au sein de l’organisation, cette année. Si l’Europe avait déjà reconnu son rôle dans l’esclavage et la colonisation en Afrique, comme crime contre l’humanité, lors de la 3e conférence mondiale contre le racisme et la discrimination raciale à Durban, elle demeure septique sur la question des réparations. Ces 20 dernières années, l’Europe s’est juste montrée ouverte, sur la restitution, à travers le renvoi, en Afrique, d’œuvres d’art et d’objets de culte, qui meuble désormais des galeries dans certains pays d’origine comme le Benin.

Rencontré dans les coulisses brouillant du 7e Sommet à Luanda, le président du Parlement panafricain, le Zimbabwéen Chief Fortune Charumbira, a parfaitement, souligné cette gêne de l’UE d’aborder la fâcheuse question de la compensation. « Nous en tant que parlement panafricain croyons en la nécessité des réparations, par rapport au passé et aussi pour la justice. C’est d’ailleurs le thème central à l’Union africaine pour l’année 2025. Le Parlement Européens semble dire que les œuvres culturelles collectées en Afrique doivent retourner sur le continent. Mais quand il s’agit de parler de la compensation, il semble très réactif, car cela entraînerait de lourdes compensations financières. Ils restent donc plutôt ouverts sur la question de la restitution des objets culturels. Pour ce qui est de la question des compensations, nous allons continuer à faire pression jusqu’à l’obtention d’un réel compromis », précise-t-il.

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Après plus de 20 ans de silence, depuis la reconnaissance de l’esclave et de la colonisation comme crimes contre l’humanité, les États du continent, sous le leadership éclairé du Togo, ont enfin classé l’esclavage, la déportation et la colonisation comme crime contre l’humanité et génocide contre les peuples africains. C’était le 26 février 2025 lors de la 38e session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État de L’UA : la plus haute instance de décision continentale. Une adoption tardive qui démontre, à suffisance, la dynamique de pouvoir asymétriques, soutenu par une dépendance économique à l’égard de l’Occident. Pourtant, au sein de l’UA, et des communautés sous-régionales, la question de la réparation demeure fondamentale pour le développement du continent ; certains États sont encore confrontés aux pillages de leurs ressources naturelles, du fait de traités coloniaux.

Pour le Dr. Omar Alieu Touray, Président de la Commission de la CEDEAO, « la question des réparations est un sujet de discussion entre nous en tant que partenaire, et il faut approfondir les discussions. L’histoire, on ne peut pas l’oublier. Certains ont pensé qu’on était en train d’instrumentaliser l’histoire, mais ce n’est pas le cas, l’histoire à beaucoup à faire avec nos États actuels, nos relations actuelles et l’état actuel de notre continent. Nous devons nous mettre ensemble pour voir comment corriger les problèmes de l’histoire et du passé ». Présent au Sommet de Luanda, il reste convaincu d’un compromis futur sur la question entre l’UA et l’UE.

De l’espoir

Malgré les réticences, certains parlementaires européens portent, ardemment, le débat sur la réparation au sein de l’hémicycle, afin de sanctuariser la relation Europe-Afrique, dans un partenariat décomplexé, et mutuellement bénéfique. C’est le cas du vice-président du Parlement européen, Younous Omarjee, qui est revenu, à Luanda, sur l’urgence, pour l’Europe, de sortir de toute forme de condescendance et paternalisme, pour reconnaître la dette historique ainsi que l’importance de l’Afrique pour la prospérité économique de l’Europe. « Il ne faut pas se cacher derrière les masques et avoir une hypocrisie dans le discours, nous avons des intérêts Afrique… J’ai entendu, ce matin, la première ministre italienne et le président Macron, également. Il y a une dette qui est une dette historique aussi. Nous devons, aujourd’hui, prendre le chemin d’une annulation de cette dette historique, parce qu’elle représente un fardeau, un poids considérable pour les pays africains. Nous-même, en Europe, nous savons combien l’endettement des États est un frein pour la croissance et le développement. Donc, il faut prendre ce chemin, nous n’avons que trop attendu. Je me souviens, à une autre époque, le président français de l’époque, François Mitterrand, avait pris un engagement extrêmement important, il faut aujourd’hui avancer ».

Afin d’avancer, vigoureusement, sur la question des réparations, certains experts préconisent à l’UA d’accentuer les recherches fragmentaires sur les préjudices subis par l’Afrique et les personnes d’ascendance africaine. Ce plan doit être complété par un plaidoyer stratégique, une action juridique et un renforcement des capacités économiques afin de parvenir à une justice réparatrice significative, présentée non pas comme une simple revendication financière, mais comme un impératif moral et politique.

 

Source : Partenaire