Les rebelles Houthis au Yémen ont annoncé vendredi avoir renoncé à imposer une taxe sur les aides dans le pays en guerre, une mesure qui menaçait d’entraver la plus grande opération humanitaire au monde.
Des responsables des Nations unies et des organisations humanitaires ont tenu des discussions jeudi à Bruxelles sur les entraves des rebelles à l’acheminement de l’aide cruciale pour la population dans ce pays ravagé par cinq ans de guerre et au bord de la famine.
Les ONG se plaignent, elles, que leurs travailleurs humanitaires sont soumis à des menaces et arrestations dans les territoires contrôlés par les rebelles, dont la capitale Sanaa. Elles envisagent de diminuer leur assistance si la situation continue de se détériorer.
Dans une lettre dont l’AFP a pu voir une copie, le chef de l’organisme d’aide relevant des rebelles, Abdel Mohsen al-Tawoos, a informé le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Affaires humanitaires, Mark Lowcock, de la décision des Houthis de ne pas appliquer « la taxe de 2% pour l’année 2020 ».
Selon M. Tawoos, cette taxe visait « seulement à couvrir les dépenses de base nécessaires pour fournir les aides aux agents des opérations humanitaires ». « Nous espérons trouver d’autres solutions pour permettre à tous de respecter leurs engagements ».
Avant lui, un responsable de l’ONU basé à Sanaa a déclaré que les Houthis avaient décidé « lors d’une réunion le 12 février, d’annuler (le projet de taxe de) 2% ».
C’est « certainement un développement positif », a-t-il dit sous couvert de l’anonymat, notant que d’autres problèmes devaient encore être réglés, comme des obstacles bureaucratiques.
– « Point critique » –
Le conflit au Yémen, pays pauvre de la péninsule arabique, a été déclenché en 2014 par une offensive des Houthis qui se sont emparés de vastes régions dont Sanaa. Une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite voisine est venue en aide au pouvoir yéménite reconnu par la communauté internationale.
Selon des organisations humanitaires, la guerre a fait des dizaines de milliers de morts, essentiellement des civils. Quelque 24,1 millions de personnes, soit plus des deux tiers de la population, ont besoin d’assistance, selon l’ONU qui parle de la pire crise humanitaire au monde.
« Nous sommes très inquiets de la vitesse à laquelle la situation se détériore dans le pays. Elle a atteint un point critique où l’assistance humanitaire est en danger », ont indiqué vendredi dans un communiqué la Commission européenne et le gouvernement suédois, à l’origine de la réunion à Bruxelles.
Un accord a été conclu par les ONG à Bruxelles aux termes duquel l’aide pourrait être « revue à la baisse » ou « même interrompue », s’il devenait impossible d’acheminer l’assistance sans enfreindre les principes de ces organisations.
Les protagonistes au Yémen avaient tous les deux mis des obstacles aux agences humanitaires et de l’ONU, mais le projet de taxe des Houthis a provoqué la dernière crise.
« Cela ne peut pas continuer. La plus importante aide humanitaire sur terre est en danger. Il y a 20 millions de personnes dans le besoin au Yémen », a déploré jeudi auprès de l’AFP le secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés, Jan Egeland.
– Détournement de l’aide? –
Le gouvernement yéménite du président Abd Rabbo Mansour Hadi avait tiré la sonnette d’alarme après des informations selon lesquelles les Etats-Unis envisageaient de suspendre une grande partie de leur aide, en réponse aux pressions des Houthis et leur projet de taxe.
Le pouvoir accuse les Houthis d’utiliser l’aide pour « financer leur effort de guerre ».
Les rebelles rejettent ces accusations.
La controverse autour de l’aide n’est pas nouvelle.
Les Houthis ont accusé les Nations unies de distribuer des produits avariés. Les humanitaires ont affirmé que ces produits avaient été retenus trop longtemps par les rebelles, les rendant impropres à la consommation.
Le Programme alimentaire mondial, qui porte assistance à quelque 12 millions de Yéménites, a interrompu en 2019 ses opérations dans les zones contrôlées par les Houthis pendant deux mois.
Cet organisme de l’ONU a ainsi fait pression pour obtenir la mise en place d’un fichier biométrique des bénéficiaires afin d’empêcher le détournement de l’aide.