Voici les principales étapes de la tentaculaire affaire Karachi, dans laquelle l’ancien Premier ministre Edouard Balladur va être jugé pour financement présumé occulte de sa campagne présidentielle de 1995.
– 1994-95: contrats et commissions –
En 1994, plusieurs gros contrats d’armement sont conclus par le gouvernement d’Edouard Balladur: trois sous-marins sont vendus au Pakistan pour environ 830 millions d’euros et deux frégates à l’Arabie saoudite pour 3 milliards d’euros.
Elu président de la République en 1995, Jacques Chirac fait stopper un an plus tard les versements de commissions à des responsables locaux, légales jusqu’en 2000, en raison de soupçons de rétrocommissions en France qui, elles, sont illégales.
– 2002: l’attentat –
Le 8 mai 2002, un attentat fait 15 morts à Karachi (sud du Pakistan), dont 11 salariés français de la Direction des constructions navales (DCN) travaillant à la construction d’un sous-marin.
En septembre et novembre, des notes rédigées par un ancien de la DST, les « rapports » Nautilus, évoquent la thèse d’un attentat ourdi en rétorsion à la décision de Jacques Chirac d’arrêter le versement de commissions.
– 2009-10: la piste des représailles –
Après avoir privilégié la piste islamiste, l’enquête antiterroriste du juge Marc Trevidic s’oriente en 2009 vers l’hypothèse de représailles pakistanaises après l’arrêt des versements de commissions.
Des juges d’instruction sont chargés d’enquêter sur le volet financier de l’affaire, après une plainte pour corruption des familles de victimes en 2010.
– 2011-12: mises en examen –
En 2011 et 2012, l’intermédiaire Ziad Takieddine et Thierry Gaubert, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, sont mis en examen. Ils sont soupçonnés d’avoir, dans les années 1990, rapporté de l’étranger des valises d’argent remises à Nicolas Bazire, directeur de campagne d’Edouard Balladur.
Nicolas Bazire, Renaud Donnedieu de Vabres, ex-conseiller de François Léotard au ministère de la Défense, Dominique Castellan, ex-dirigeant de la Direction des constructions navales, ainsi que l’intermédiaire Abdul Rahman El Assir, sont également mis en examen.
– 2013-16: Balladur et Léotard en cause –
En juin 2013, Ziad Takieddine déclare aux juges avoir œuvré au financement occulte de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur, à la demande de MM. Bazire et Gaubert.
En février 2014, les juges d’instruction souhaitent que la Cour de Justice de la République (CJR), seule compétente pour examiner le cas des ministres, enquête sur MM. Balladur et Léotard.
Le 12 juin, MM. Takieddine, Gaubert, Donnedieu de Vabres et El Assir sont renvoyés en correctionnelle, ainsi que MM. Castellan et Bazire qui font appel.
– 2017: accélération –
Après plusieurs décisions de justice, la cour d’appel de Lyon confirme le 20 janvier 2017 le renvoi en correctionnelle des six prévenus. Leur pourvoi est rejeté peu après.
Le 29 mai, Edouard Balladur est mis en examen par la CJR. Le 4 juillet François Léotard, ministre de la Défense en 1993-1995, l’est à son tour.
– 2019 : premier procès –
En octobre 2019 a lieu le premier procès du volet financier. Des peines allant de 18 mois à sept ans de prison ferme sont requises à l’encontre de MM. Takieddine, Bazire, Gaubert, Donnedieu de Vabres, El Assir et Castellan, pour abus de biens sociaux, recel ou complicité. Le jugement est fixé au 22 avril 2020.
Le 30 septembre 2019, la CJR a de son côté décidé de juger MM. Balladur et Léotard pour « complicité d’abus de biens sociaux » et, pour l’ancien Premier ministre, recel de ces délits.
Le 13 mars, la Cour de cassation rejette les pourvois déposés par Edouard Balladur, confirmant ainsi la tenue d’un procès.