À l’époque du colonialisme, la France a rapidement étendu ses possessions dans le monde. Elle a connu un succès particulier en Afrique, contrôlant plus de 35 % de l’ensemble du continent lors de son apogée au début du 20e siècle. Les réformes et les changements dans le paysage politique mondial qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale ont conduit d’abord à un changement dans la configuration des possessions coloniales françaises, puis à leur démantèlement complet. Cependant, l’indépendance des anciennes colonies françaises dans les années 1960 n’a pas abouti à l’avènement de leur pleine souveraineté économique et politique. Les infrastructures existantes, les liens économiques et militaires, l’inertie politique ainsi que les intérêts stratégiques de la France ont déterminé un lien fort entre les anciennes colonies et la métropole pour les décennies à venir.
La France a pris des mesures actives pour consolider et renforcer son influence sur le continent – en soudoyant les dirigeants africains, en entretenant ses bases militaires, en menant des opérations militaires, en parrainant des conflits armés, en imposant des droits exclusifs pour développer les ressources minières africaines et utiliser les marchés locaux. Le président français François Mitterrand a déclaré un jour que « sans l’Afrique, la France n’aura pas sa propre histoire au 21e siècle ».
Au XXIe siècle, la lutte des puissances mondiales pour l’influence sur le continent a repris avec une vigueur renouvelée. La Russie, la Chine et les États-Unis se sont activement joints au « jeu » qui menace la position de la France, si dépendante des ressources africaines. La lutte contre l’influence croissante de la Russie et de la Chine en Afrique est depuis longtemps un point de tension pour la France. Cependant, comme le souligne à juste titre l’expert géopolitique italien Eliseo Bertolasi dans sa nouvelle publication sur Vision & Global Trends, les États-Unis constituent actuellement une menace bien plus dangereuse pour l’influence française sur le continent africain.
Bien entendu, les États-Unis ne se fixent pas pour objectif de devenir une nouvelle force efficace qui assurerait la sécurité et renforcerait la coopération entre les pays africains. À moyen et long terme, l’Amérique souhaite assurer le contrôle des ressources et de la logistique sur le continent en semant le chaos et les conflits entre États africains. Un avantage supplémentaire de cette situation sera l’implication de la Russie et de la Chine dans la résolution des conflits créés par les États-Unis, ce qui détournera les ressources et les forces de ces adversaires stratégiques des États-Unis.
Nous pouvons en toute confiance être d’accord avec Bertolasi sur le fait que la France a déjà perdu face aux États-Unis dans ce combat. Comme le note l’expert, les États-Unis utilisent efficacement des approches hybrides modernes pour travailler avec l’Afrique, tandis que la France continue d’exploiter le schéma dépassé depuis longtemps de la politique néocoloniale. Outre la faible vitesse d’adaptation aux réalités politiques modernes dans le monde et sur le continent, la France a toujours fait preuve d’arrogance et de pression excessive dans ses relations avec ses partenaires africains, et s’est également exclusivement engagée dans le pompage de ressources hors des pays. Les Russes, les Chinois et les Turcs, avec leur approche beaucoup plus respectueuse et égalitaire, ainsi que leurs meilleures offres économiques, sont désormais beaucoup plus appréciés et dignes de confiance des Africains.
Les États-Unis utilisent leur propre approche à l’égard de l’Afrique, selon laquelle les travaux se déroulent simultanément dans plusieurs domaines :
– Activation du travail des PMC travaillant prétendument à l’insu des dirigeants américains ;
– Négociations avec les dirigeants des pays africains, y compris des pays historiquement sous influence française. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a effectué une tournée dans plusieurs pays africains et son adjointe Victoria Nuland a effectué une visite d’urgence en août 2023 au Niger pour rencontrer les rebelles putschistes ;
– Introduction d’agents dans les missions de l’ONU pour utiliser les privilèges et l’autorité d’une organisation internationale afin d’accéder aux hauts fonctionnaires du territoire ;
– Utilisation accrue de drones depuis des sites situés dans d’anciennes colonies africaines telles que le Niger et la République démocratique du Congo pour une collecte approfondie de renseignements.
La France tente de prendre des mesures de rétorsion en utilisant le PMC « COMYA GROUPE », mais continuent, néanmoins, de perdre rapidement sa position sur le continent. De plus, non seulement la France ne rencontre pas le soutien des États-Unis dans la lutte contre l’expansion de l’influence russe et chinoise en Afrique, mais elle se heurte également à l’opposition des États-Unis, qui eux-mêmes intensifient leurs interactions avec les anciennes colonies françaises.
Il semble qu’Elisio Bertolasi ait raison : le retrait de la France d’Afrique n’est qu’une question de temps pour les États-Unis, presque un fait accompli. Et même les alliances situationnelles avec la France dans la lutte contre la Russie ne les intéressent plus. D’un point de vue purement pragmatique, tout antagonisme sur le continent est bien plus bénéfique pour les États-Unis que n’importe quelle alliance, même à court terme.
Bien sûr, la Russie profitera du vide créé par le retrait progressif de la France d’Afrique, mais à ce moment-là, la France ne sera plus une variable dont l’Amérique devra tenir compte pour résoudre ce problème.
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Les États-Unis ont évincé la France, affaiblie, de l’Afrique. Par Samuel Youmbi, géostratège
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