Le conseiller psychologue ivoirien, Yéboua Kouadio, président de l’ONG Action pour l’enfant et la femme en Côte d’Ivoire (APEF-CI) plaide pour « une prise en charge complète et sécurisée des grossesses non désirées et à risque », dans un entretien à APA.
Q : Peu de personnes fréquentaient les centres hospitaliers au plus fort de la crise de la Covid-19. Votre structure suit les questions liées à la santé maternelle, est-ce que l’accès plus ou moins difficile aux contraceptifs a occasionné des cas de grossesses indésirées ou des avortements ?
R : Pas nécessairement, car l’accès aux méthodes contraceptives n’est pas le véritable problème occasionnant des cas de grossesses non désirées ou des avortements ; mais dans son utilisation. Les jeunes surtout, souhaitent avoir des rapports sexuels sans les produits contraceptifs. Il s’agit pour nous de les sensibiliser à les utiliser, car ceci y va de leur santé sexuelle (contraction des IST/VIH Sida, grossesses non désirées et ne pas arriver aux avortements voire clandestins).
Q : Quand le pronostic vital de la mère est engagé, en Côte d’Ivoire, avec l’accord des parents, un avortement peut légitimement être fait par un gynécologue à la suite d’un accord formel. Outre, cette circonstance, y a-t-il un ou d’autres intérêts pour pratiquer l’avortement selon vous ?
R : En Côte d’Ivoire, il n’y a pas d’infraction lorsqu’une interruption de la grossesse est nécessitée par la sauvegarde de la vie de la mère gravement menacée. En outre, le médecin procure l’avortement à une victime de viol à la demande de celle-ci.
Dans ces deux cas, le médecin traitant ou le chirurgien doit prendre l’avis de deux médecins consultants, qui, après examen, attestent que la vie de la mère ne peut être sauvegardée qu’au moyen d’une telle intervention chirurgicale ou thérapeutique ou que telle était la volonté de la victime de viol, dûment constatée par écrit.
Si le nombre de médecin résidant au lieu de l’intervention est de deux, le médecin traitant n’est tenu de prendre que l’avis de son confrère.
Toutefois, si le médecin traitant est seul résidant au lieu de l’intervention, il atteste sur son honneur que la vie de la mère ne pouvait être sauvegardée que par l’intervention chirurgicale ou thérapeutique pratiquée ou que telle était la volonté de la victime de viol. Dans tous les cas, un des exemplaires de la consultation est remis à la mère, l’autre est conservé par les médecins traitants.
Q : Aujourd’hui, l’on parle d’avortement sécurisé. Si la Côte d’Ivoire accède à cela, ne serait-ce pas une porte ouverte pour des jeunes femmes de faire des avortements tous azimuts ?
R : Non, je ne crois pas ainsi car l’avortement sécurisé sera bien cadré et ne donnera pas droit à toute femme désireuse d’avorter d’en bénéficier ; il sera circonscrit en tenant compte du protocole de Maputo. Des acteurs sociaux, centres sociaux, des psychologues interviendront pour analyser si le cas respecte le protocole de Maputo.
Q : Quelque 20% des femmes décèdent en Côte d’Ivoire suite à des avortements non sécurisés. Et chaque année, c’est entre 210.000 femmes et 290.000 femmes qui pratiquent les avortements et parmi lesquelles beaucoup décèdent. Quel est votre plaidoyer auprès de l’Etat ivoirien pour une application du protocole de Maputo ?
R : Notre plaidoyer est pour une prise en charge complète et sécurisée des grossesses non désirées et à risque conformément à la législation en vigueur et particulièrement pour l’harmonisation des ordres juridiques national et international, par l’Etat de Côte d’Ivoire, sur la question de l’avortement clandestin suivant la ratification du protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatifs aux droits de la femmes en Afrique communément appelé Protocole de Maputo, en son article 14 qui élargit les conditions d’accès à l’avortement sécurisé.